Archives de catégorie : ORIGINE ET PETITE HISTOIRE DES EXPRESSIONS

A la queue leu leu

« À la queue leu leu » ou « en file indienne »

En vieux français, un loup se disait « leu » ou « lou » (origine latine : « lupus »)

C’est au XVIe siècle, que le mot loup remplace le mot « leu ».

Cette expression « à la queue leu leu » fait allusion aux loups et à leur manière de se déplacer quand ils sont en groupe (voir la photo de présentation). Ils se déplacent les uns derrière les autres, en file indienne, la tête de l’un derrière la queue de l’autre.

« À la queue leu leu », signifie d’après les linguistes « à la queue du loup, un autre loup »

Bien sûr « à la queue leu leu » s’applique à toute situation où il y a une file d’attente, un alignement comme sur la photo ci-dessus. Les canetons sont à la queue leu leu près de leur mère.

Cette expression a été « mise en valeur » par une chanson festive destinée à faire bouger les gens lors d’un mariage, d’une soirée, en fin de repas. Elle reste très populaire. Elle a été créée par Bézu en 1987, chanteur connu surtout pour cette chanson qui est devenue un tube utile pour mettre de l’ambiance dans les fêtes.

A la queue leu leu
A la queue leu leu
A la queue leu leu
A la queue leu leu
A… A… A… A…
Tout le monde s’éclate,à la queue leu leu
Tout le monde se marre,à la queue leu leu
Tout le monde chante,à la queue leu leu
Tout le monde danse, à la queue leu leu
REFRAIN
A… A… à la queue leu leu
A… A… à la queue leu leu
A… A… à la queue leu leu
Tout le monde s’éclate à la queue leu leu
Dans les anniversaires, dans les bals populaires
Pour les nouveaux mariés, pour la nouvelle année
Même dans les discothèques quand on veut faire la fête
Il n’y a rien de plus simple, il suffit de danser
REFRAIN
Tout le monde s’amuse à la queue leu leu
Tout le monde chahute à la queue leu leu
Tout le monde s’embrasse à la queue leu leu
On fait la fête à la queue leu leu
REFRAIN
Aux quatre coins de France quand on veut s’amuser
Dans les clubs en vacances en Méditerranée
Du Nord à la Bretagne et du Sud à l’Espagne
Il n’y a rien de plus simple il suffit de danser
REFRAIN
A la queue leu leu, à la queue leu leu, à la queue leu leu
A la queue leu leu, A… A… A…
Tout le monde s’éclate à la queue leu leu
Tout le monde se marre à la queue leu leu
Tout le monde chante à la queue leu leu
Tout le monde danse à la queue leu leu
REFRAIN
Tout le monde s’éclate à la queue leu leu
Tout le monde se marre à la queue leu leu
Tout le monde chante à la queue leu leu
Tout le monde danse à la queue leu leu
REFRAIN

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Être la tête de Turc

« Être la tête de Turc » = « Être le bouc émissaire » « Être le souffre-douleur »

Être la cible de moqueries, railleries, méchancetés

Être celui qui est injustement tenu pour responsable, vers qui les accusations s’orientent systématiquement

croisades siège de nicée origine expression tête de turc

Guillaume de Tyr – « Les estoires d’Outremer »
Enluminure du XIIIe siècle (13e)
Le siège de la ville de Nicée par les Croisés en 1097
Les Croisés catapultent les têtes de soldats Turcs

Des têtes de soldats turcs servant de projectiles

L’expression « être la tête de Turc » puise son origine vraisemblablement dans l’histoire de la première croisade (1) menée par Godefroy de Bouillon au Moyen-Âge, en 1097.

Le 14 mai 1097, Les Croisés commencent le siège de Nicée, ville majoritairement chrétienne occupée par une forte garnison turque, des fonctionnaires de la cour du Sultan Kilidj Arslan ainsi que par la famille du Sultan. Nicée est une ville stratégique bordée par 6 kilomètres de remparts, 240 tours. Au sud-ouest, le lac Ascanios assure l’approvisionnement en eau.

Les combats sont intenses, la garnison turque se défend courageusement.

Des troupes fraîches viennent renforcer les Croisées, et d’autres troupes viennent assister les assiégés qui se trouvent à l’intérieur de la ville. Les combats continuent.

Puis, le 21 mai 1097, le Sultan lui-même arrive devant Nicée. La bataille dure toute la journée. Les troupes turques se replient finalement devant la lourdeur des pertes humaines. Il y a de nombreux morts parmi les assiégeants aussi.

Devant la grande résistance des Croisées, le Sultan Kilidj Arslan abandonne la ville à son sort et se retire.

Alors, pour semer la terreur parmi les Turcs et les obliger à ouvrir les portes de la ville, les Croisés envoient à l’aide de catapultes les têtes des soldats turcs morts au combat à l’intérieur de la ville fortifiée.

De nouveaux renforts arrivent pour aider les assaillants. Les Croisés décident de mettre en place un blocus naval du côté du lac qui borde Nicée. Puis l’assaut est décidé pour le 19 juin. Mais les portes de la ville s’ouvrent avant l’attaque, dans la nuit du 18 au 19 juin 1097.

Finalement, les Croisés sortent vainqueurs de ce siège. C’est la première action militaire des Croisés contre les Musulmans.

l'empire ottoman 16e et 17e siècle - origine expression tete de turc

L’empire ottoman à son apogée (XVIe – XVIIe siècle)

Les Français admirateurs de la culture turque aux XVIIe et XVIIIe siècles (2).

À la fin du XVIIe siècle et au XVIIIe siècle, l’empire Ottoman fascine toute l’Europe et les Français en particulier. Tout ce qui est turc est sujet d’admiration : le raffinement, l’élégance des costumes, les mystérieux harems, le café… En France, c’est la mode des sofas et divans. On installe sur les murs des tapisseries aux sujets orientaux, on s’habille à la turque… C’est l’époque des « Turqueries ». Des écrivains comme Lamartine raconte leur « Voyage en Orient« …

Au XVIIIe siècle, les philosophes des Lumières comme Montesquieu ou Voltaire font tomber les clichés.

Puis, ces clichés vont se heurter aux idées universelles des philosophes des Lumières. On reconnaît toujours la grandeur de l’empire Ottoman mais Le Grand Turc (3) apparaît désormais comme un destructeur et un tyran. Montesquieu, Voltaire contribuent à détruire l’image idyllique de la Turquie qui devient le bouc-émissaire des penseurs du siècle des Lumières. Progressivement, le Turc, vu de France, possède encore un charme mystérieux mais est aussi un ennemi cruel, brutal.

Le Turc devient la « tête de Turc » ou le « bouc émissaire » des penseurs d’Occident au fur et à mesure que l’Empire Ottoman perd son pouvoir.

être une tête de turc ou bouc émissaire - origine des expressions

Au XIXe siècle, on trouve dans les foires des appareils munis d’un dynamomètre pour évaluer la force physique. Muni d’un maillet, le candidat frappe le plus fort possible sur une tête en bois avec un turban qui fait penser à un Turc.

Comme je l’ai déjà expliqué pour l’expression « fort comme un Turc« , le Turc des galères au Moyen-Âge avait la réputation d’être très résistant avec une grande force physique. Mesurer sa force physique à un Turc même en bois avait du panache !

(1) Une Croisade : Au Moyen-Âge, une croisade est un pèlerinage et une expédition militaire, soutenue par le Pape, menées par des Chrétiens d’Occident pour
conquérir et de défendre les lieux saints de Jérusalem sous domination musulmane. Il y a eu huit croisades entre 1095 et 1270.

(2) XVIIe et XVIIIe siècles = 17e et 18e siècle

(3) Le Grand Turc = le Sultan de Constantinople

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Être fort comme un Turc

Audio Etre fort comme un Turc

Être fort comme un Turc = Être très fort, très résistant / Avoir beaucoup de force
« – Est-ce que tu peux m’aider à déplacer ce poêle ? »
– Déplacer le poêle ?
Non, je ne peux pas, il est en fonte, c’est trop lourd !
Demande plutôt à Simon, il est fort comme un Turc ! »


Galère du XVIIe siècle

Au XVIe siècle (1), dans tous les pays méditerranéens le recrutement des rameurs sur les galères (2) devient très difficile. Une idée apparaît, celle d’utiliser les condamnés (les forçats) et les esclaves turcs ou corsaires des côtes d’Afrique du nord pris au combat ou razziés sur les territoires ennemis. Les forçats et les esclaves sont alors enchaînés à leur banc et recoivent des coups de fouet s’ils rament trop mollement.

Henri Bresc, historien médiéviste français,« Figures de l’esclave au Moyen-Âge et dans le monde moderne » , fait allusion à la force des Turcs embarqués comme esclaves sur les galères (2).

L’esclave galérien

l’esclave galérien est donc bien, aux XVIe et XVIIe (2) siècles, une figure caractéristique des marines méditerranéennes, et cela de quelque côté de la mer que l’on se trouve. Cependant, il n’en a pas toujours été ainsi. Le propre d’un esclave, au fond, c’est d’être un étranger : à l’origine de tout esclave, même si par la suite il s’est trouvé vendu et revendu sur divers marchés successifs, il y a toujours soit un captif de guerre, soit la victime d’une razzia terrestre ou de la course maritime. Or, aux siècles antérieurs, les « galiots » avaient toujours été des nationaux, qu’ils fussent professionnels salariés ou rameurs de circonstance (de leur plein gré ou plus ou moins astreints par la loi, ou recrutés par la « presse »).

Alors, pourquoi ce passage à des rameurs serviles ?
« Tous les contemporains s’accordent à le dire : les esclaves sont absolument nécessaires à la vogue. Voyez par exemple ce qu’écrivait Colbert à l’intendant de la Marine à Toulon, en 1662 : « Je suis persuadé comme vous qu’il n’y a rien de si important pour le rétablissement de la chiourme (3) que d’avoir des Turcs pour y mesler » (4). Qu’avait donc expliqué le sieur Arnoult à son ministre pour être aussi convaincant ? Que « les Turcs sont extrêmement vigoureux, très endurcis à la fatigue, fort grands, et infiniment plus propres pour cette raison à servir d’espaliers ou de vogue-avant » (5). En somme, les esclaves auraient présenté pour les galères un double avantage :

1 / une grande résistance physique en général

2 / une aptitude particulière pour des emplois spécifiques.

Sur le premier point, on connaît l’adage : « Fort comme un Turc ». En réalité, on devrait dire « Fort comme un Turc des galères » car forts, les Turcs ne l’étaient que parce qu’ils avaient été achetés pour la rame, donc choisis à cet effet, sélectionnés en quelque sorte par des spécialistes avertis qui ne prenaient sur le marché de l’homme que les meilleurs spécimens.


Titien (vers 1538-1539)    Titien (vers 1530)
Le roi français François 1er et le sultan turc Soliman le Magnifique

En 1536, François 1er et Soliman le Magnifique concluent une alliance pour contrer Charles Quint. Pour cette occasion, François 1er revêt l’armure turque reçue en cadeau et dit : « Me voici désormais fort comme un Turc !« 

(1) XVIe et XVIIe = 16e et 17e siècles
Pour apprendre à lire les chiffres romains cliquez ici !

(2) Pour savoir ce qu’est une galère cliquez ici !

(3) « La chiourme » = ensemble des forçats ramant sur une galère

(4) « …qu’il n’y a rien de si important pour le rétablissement de la chiourme que d’avoir des Turcs pour y mesler »
= « …qu’il est très important pour le rétablissement des groupes de forçats sur les galères que d’avoir des Turcs parmi eux »

(5) « un espalier » = sur les galères, rameur d’arrière qui réglait le mouvement des autres rameurs.
« un vogue-avant » = même sens qu’espalier à l’avant

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