Nadar a eu une vie bien remplie mais ce que l’on connaît de lui ce sont les photographies simples, sans artifice et sans retouche des personnalités les plus en vue à Paris dans les années 1850
Critique de théâtre, contrebandier et braconnier dans sa période pauvre de vagabond bohème à la recherche de petits boulots, aide-sculpteur, agent secret, secrétaire de Ferdinand de Lesseps, journaliste (« Vogue » – « Le Négociateur » – « L’Audience » qu’il a créé), nouvelliste, essayiste, dessinateur, caricaturiste (« La Revue Comique » – « Charivari »…), écrivain (roman « La Robe de Déjanire » – conte « L’indienne bleue »…) , photographe, aéronaute… le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est bien difficile de résumer la vie de Gaspard Félix Tournachon dit Nadar (1820-1910), surtout connu pour ses formidables photographies simples, sans artifice et sans retouche des personnalités les plus en vue à Paris dans les années 1850. Grâce à lui, nous pouvons voir qui étaient les célèbres écrivains comme Victor Hugo, Zola ou Jules Verne, les compositeurs comme Verdi, Offenbach ou Rossini, les peintres comme Delacroix, Corot ou Monet…
Pour voir plus de photos de Nadar – Archives Photographiques Nadar
Comment résumer l’homme Félix Tournachon dit Nadar ?
Il est grand, maigre, aux yeux très clairs et aux cheveux roux. Il se définit lui-même comme un « casse-cou » et un « touche-à-tout ». D’ailleurs à sa mort, une revue écrit à son propos : « Parisien qui sait tout faire ». Dans sa jeunesse bohème, il fréquente un cercle de jeunes amis écrivains, musiciens, philosophes qui se réunissent dans les cafés de St-Germain-des-Prés où ils passent leurs journées et leurs nuits à boire de l’absinthe. Ils seront les premiers à expérimenter l’art photographique de Nadar.
C’est un Républicain farouche, engagé politiquement et opposé à l’Empereur Napoléon III. Il est doté d’ une très grande énergie. Il devient l’ami des plus grands artistes de cette époque qui vont lui servir de modèles pour ses portraits photographiques. C’est un homme ambitieux qui rêve d’être célèbre et qui va le devenir de son vivant grâce à ses photographies sans retouche, épurées, de personnalités artistiques, scientifiques, politiques et du monde littéraire. Le secret de son talent ? Malgré les longues heures de pose nécessaires pour réaliser les photos, il arrive à détendre l’atmosphère, à mettre à l’aise les personnes photographiées de façon à saisir en elles quelque chose d’intime.
Carte de visite façon Nadar
Bien sûr, il réalise aussi beaucoup d’autres photographies artistiques et commerciales. Ainsi, un grand nombre de bourgeois sont intéressés pour avoir leur portrait, d’une part parce que c’est moins cher qu’un tableau peint, et d’autre part, parce qu’une photo est reproductible. D’ailleurs, Nadar fera même des cartes de visite à la manière de Desderi qui a eu l’idée en premier.
Atelier de Nadar au 35, rue des Capucines, Paris 2ème arrondissement
LES ATELIERS DU PHOTOGRAPHE
En 1854, Nadar ouvre son premier atelier et logement qu’il partage avec sa mère au 113, rue St-Lazare.
Puis, rapidement, en 1860, il s’agrandit et occupe le premier étage du 35 rue des Capucines, immeuble de verre et métal comme on peut le voir sur les photos de différentes époques ci-dessus.
Alors que les tableaux impressionnistes sont régulièrement refusés au Salon officiel de Paris – ce style de peinture trop « nouveau » est rejeté par une grande partie du monde des arts – Nadar met à disposition son atelier pour la première exposition de tableaux impressionnistes en avril 1874.
>>>Image à droite : Impression, Soleil Levant (Monet). C’est lors de cette exposition chez Nadar qu’un critique du journal Charivari, peu attiré par la peinture de Monet, ironise en écrivant dans le journal « L’exposition les impressionnistes ». Le nouveau mouvement pictural venait de trouver un nom !
En 1871, Nadar quitte la rue des Capucines pour s’installer 51 rue d’Anjou dans un atelier beaucoup plus modeste. Car malgré la célébrité, il a des problèmes d’argent, sa créativité diminue et il finit par se lasser de ce travail. Il cède alors l’atelier à son fils Paul et décide de rédiger ses mémoires dans un livre intitulé : « Quand j’étais photographe ». Il meurt en 1910.
< < Caricature de Daumier « Nadar élevant la photographie à la hauteur de l’art » (1862) | |
Une des toutes premières photos aériennes (1858) >> |
PIONNIER DE LA PHOTOGRAPHIE AÉRIENNE
Nadar est célèbre aussi pour avoir été le premier au monde à prendre des photos aériennes à bord du ballon « Le Géant » qu’il fait construire. Le 23 octobre 1858, après plusieurs essais, il réalise sa première photo aérienne réussie à 80 mètres au-dessus du Petit Bicêtre (aujourd’hui Petit Clamart dans la banlieue parisienne). La photographie une fois développée, on y voit selon les propos de Nadar : « une ferme, une auberge et la gendarmerie (…) on distingue parfaitement les tuiles des toits et sur la route une tapissière dont le charretier s’est arrêté court devant l’aérostat ».
Jules Verne s’est inspiré de cette aventure pour écrire son roman « Cinq Semaines en Ballon » en 1863 (1). Le célèbre écrivain s’inspirera aussi de Nadar pour décrire le héros du livre « De la Terre à la Lune » Michel Ardan (anagramme de Nadar)(2). « «C’est un homme de quarante-deux ans, grand, mais un peu voûté déjà, comme ces cariatides qui portent des balcons sur leurs épaules. Sa tête forte, véritable hure de lion, secouait par instants une chevelure ardente, qui lui faisait une véritable crinière. Une face courte, large aux tempes, agrémentée d’une moustache hérissée comme les barbes d’un chat et de petits bouquets un peu égarés, un regard myope, complémentaient cette physionomie éminemment féline.»
Nadar qui a aussi un sens pratique, fait breveter son idée de « nouveau système de photographie aérostatique ».
A cette époque, prendre une photo depuis un aérostat est une idée révolutionnaire. Il n’est déjà pas facile de prendre des photos à l’extérieur mais dans un ballon c’est encore plus incroyable ! Son ami caricaturiste Honoré Daumier s’amuse à représenter Nadar en train de prendre une photo dans les airs à bord de son ballon captif – attaché au sol -. (photo ci-dessus)
A la fin du XIXème siècle, le célèbre photographe fait connaissance avec Clément Ader et soutient son projet d’avion doté d’ailes.
Clément Ader réussit en 1890 le premier vol humain à bord d’un avion (Éole) motorisé sur une distance de 50 mètres et à une vingtaine de centimètres du sol. Nadar expose quelques temps plus tard l’aéroplane dans son atelier à Paris
Les catacombes par Nadar (1860)
PIONNIER DE LA PHOTOGRAPHIE SOUTERRAINE
Nadar réalise aussi les premières photos à la lumière des batteries Bunsen dans les catacombes et les égouts de Paris.
(1) Vous pouvez écouter et lire en même temps le roman de Jules Verne « Cinq semaines en ballon » ici sur Littérature audio.com
(2) Vous pouvez écouter et lire en même temps le roman de Jules Verne « De la Terre à la Lune » ici sur Littérature audio.com