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La mamé par Odette Jouve avec l’accent provençal

En présentation ci-dessus un tableau d’Édouard Jérôme Paupion (1854-1912)

Odette Jouve à 87 ans s’était présentée à une émission de télévision (sur la chaîne M6 en 2009) appelée « La France a un incroyable talent ». Son talent était de réciter des poèmes. Celui qu’elle a présenté à cette émission a ému le jury et le public français. Je vous laisse écouter et lire le texte en dessous de la vidéo. Vous entendrez aussi l’accent marseillais. (voir l’autre vidéo d’Odette Jouve sur l’accent du midi)

Texte dit par Odette Jouve

Elle se tenait au bout de la table et nous impressionnait par sa lenteur. On la voyait si vieille, toute ridée, misérable que l’amour peu à peu fit place à la rancoeur.

Elle gênait notre vie. Elle gênait nos projets la mamé. A quelque temps de là, prétextant des vacances, je l’emmenais là-haut, au flanc du Lubéron.

– Tu seras bien mamé ! Tu verras la Durance du haut de la terrasse
de la grande maison.
– Ces maisons-là sont faites pour les vieux !
– Regarde ! Ils ont l’air bienheureux !
– Comme tu veux petite.

Je la laissais toute seule. L’air était encore chaud pourtant je frissonnais et le chant des oiseaux voletant dans le lierre disait à mes oreilles « qu’as-tu fait de mamé ? »

Chaque brin d’herbe, de thym, de lavande, de romarin semblait me dire « mais qu’as-tu fait de mamé ? »

Même le chant des sources dans ma tête criait « mais qu’as-tu fait de mamé ? »

Lentement, le remords me prenait. Au fil des souvenirs, mon coeur s’est apaisé. Alors, j’ai repris le chemin qui mène à la grande maison. Retrouver la mamé, lui demander pardon !

J’ai pris tout simplement ses mains sans rien lui dire. Une larme brillait au milieu d’un sourire.

Une mamé c’est précieux. C’est tant de souvenirs. Si vous en avez une, jusqu’au bout de ses jours, gardez-la près de vous. Et quand elle devra mourir, vous lui fermerez les yeux dans un geste d’amour.

Si aujourd’hui, le chant des cigales me pose la question tant de fois redoutée, je peux, le coeur joyeux en digne provençale, répondre fièrement « Elle est là, la mamé ! »

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L’accent provençal – Odette Jouve

Odette Jouve a fait une apparition à la télévision française en 2009, à l’âge de 87 ans lors de l’émission « La France a un incroyable talent ». Elle a récité un de ses poèmes (Voir l’autre poème « La mamé ») et a ému le jury et la France entière par son talent.

On la retrouve dans cette vidéo disant un autre poème sur l’accent du midi, l’accent de la Provence. Essayez de faire abstraction des bruits de vaisselle que l’on entend derrière elle et appréciez cet accent de la région de Marseille et des environs. 

https://youtu.be/TRiod855Oq8


De l’accent, en ai-je moi ? Pourquoi cette faveur ?  
Pourquoi ce privilège ?
Et si je vous disais à mon tour, gens du nord
que c’est vous qui, pour nous, semblaient l’avoir si fort.
Que nous disons de vous du Rhône à la Gironde,
ces gens-là, ils n’ont pas le parlé de tout le monde.
Et que tout dépendant de la façon de voir,
ne pas avoir d’accent pour nous c’est en avoir.
Mais non, je blasphème, et je suis là de feindre.
Ceux qui n’ont pas d’accent, je ne puis que les plaindre.
Emporter de chez soi cet accent familier
c’est emporter un peu de terre à ses souliers.
C’est un peu, cet accent, invisible bagage,
le parlé de chez soi qu’on emporte en voyage.
C’est pour le malheureux, à l’exil obligé,
le patois qui déteint sur les mots étrangers.
Avoir l’accent, enfin, c’est chaque fois qu’on cause,
parler de son pays tout en parlant d’autre chose.
Non, je ne rougis pas de mon fidèle accent.
Je veux qu’il soit sonore, clair, retentissant
et m’en aller tout droit, l’humeur toujours pareille
en portant mon accent fièrement sur l’oreille.
Mon accent, on devrait l’écouter à genoux.
Il nous fait emporter la Provence avec nous.
Il fait chanter sa voix dans tous mes bavardages
comme chante la mer au fond des coquillages.
Ecoutez, en parlant, je place le décor
du torride midi dans les brumes du nord.
Mon accent porte en soi d’adorables mélanges,
d’effluves d’oliviers et des parfums d’orange.
Il évoque à la fois le feuillage bleu-gris
de nos chers oliviers aux vieux troncs rabougris
et le petit village où les treilles splendides
éclaboussent de bleu les blancheurs des bastides.
Cet accent-là, mistral, cigales et tambourins
à toutes mes chansons donnent un même refrain.
Et quand vous l’entendez chanter dans ma parole,
tous les mots que je dis dansent la farandole.

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