Le plus grand massacre de civils français commis par les armées allemandes en France occupée -642 victimes-.
Oradour-sur-Glane, dans le département de la Haute-Vienne à une vingtaine de kilomètres de la ville de Limoges, est un village où le temps s’est arrêté le samedi 10 juin 1944.
En quelques heures, plus de la moitié du village hommes femmes et enfants sont tués et brûlés par une unité de la deuxième division blindée Das Reich. Cette division allemande remonte du sud de la France et se dirige vers la Normandie où les Alliés, Américains, Anglais, Canadiens…ont débarqué sur les plages le 6 juin 1944 afin de libérer la France et toute l’Europe de la barbarie nazie.
La deuxième SS Panzerdivision Das Reich
La deuxième SS Panzerdivision Das Reich est commandée par le général Lammerding. Elle comprend au printemps 1944 environ 20 000 hommes à bord de 1400 véhicules dont 209 chars. C’est une division qui a été formée dès 1939. Elle a participé à de nombreux combats notamment en 1941 et 1942 sur le front de l’Est où elle a eu de lourdes pertes durant l’hiver face à l’offensive russe. De juin 1942 à février 1943 elle est en repos à Rennes en France mais se tient en alerte.
Début 1943, elle est rappelée sur le front russe où elle subit à nouveau de lourdes pertes humaines et matérielles.
Dès janvier 1944, progressivement, la division est envoyée dans la région de Toulouse et Montauban (sud-ouest de la France) afin de se reconstituer sur un plan matériel et humain.
9000 jeunes recrues de 17-18 ans viennent gonfler les rangs parmi lesquels beaucoup d’Alsaciens et Mosellans (régions de l’Est de la France) appelés « Malgré nous » car ils ont été enrôlés de force dans l’armée allemande.
Cette division est aussi composée de Hongrois, Roumains, Russes, Luxembourgeois, Polonais, Yougoslaves, Belges. Les pertes humaines au sein des divisions de la Waffen SS ou troupes d’élite sont très importantes ce qui explique la décision d’incorporer de force des hommes d’autres nationalités qu’allemande. La Das Reich est connue pour sa valeur combattive mais aussi pour les exactions et crimes de guerre qui jalonnent ses déplacements : exécutions sommaires, pillages, incendies, viols…
Une remontée sanglante vers la Normandie / Massacre dans la ville de Tulle le 9 juin 1944
Village après village, tout au long de cette remontée vers le nord, une unité de la division Das Reich composée d’environ 10 000 soldats tuent et pillent méthodiquement. Ce ne sont pas des faits isolés de soldats indisciplinés et assoiffés de sang. Non ! Ces soldats obéissent à l’ordre d’anéantir tous les individus suspectés d’appartenir à un réseau de maquisards (1). Ils ne cherchent pas à savoir si la personne est coupable ou non.
Ci-dessous, le texte d’une affiche allemande placardée dans la ville de Tulle du 9 juin 1944 menaçant la population.
« Citoyens de Tulle, 40 soldats allemands ont été assassinés de la façon la plus abominable par les bandes communistes. La population paisible a subi la terreur. Les autorités militaires ne désirent que l’ordre et la tranquillité. La population loyale de la ville le désire également. La façon affreuse et lâche avec laquelle les soldats allemands ont été tués prouve que les éléments du communisme destructeur sont à l’oeuvre. Il est fort regrettable qu’il y ait eu aussi des agents de police ou des gendarmes français qui, en abandonnant leur poste, n’ont pas suivi la consigne donnée et ont fait cause commune avec les communistes.
Pour les maquis et ceux qui les aident, il n’y a qu’une peine le supplice de la pendaison. Ils ne connaissent pas le combat ouvert. Ils n’ont pas le sentiment de l’honneur. 40 soldats allemands ont été assassinés par le maquis, 120 maquis ou leur complices seront pendus. Leur corps seront jeté dans le fleuve. A l’avenir, pour chaque soldat allemand qui sera blessé, trois maquis seront pendus. Pour chaque soldat allemand qui sera assassiné, 10 maquis ou un nombre égal de leurs complices seront pendus également.
J’exige la collaboration loyale de la population civile pour combattre efficacement l’ennemi commun, les bandes communiste. Tulle le 9 juin 1944, le général commandant les troupes allemandes ».
Le but de cette violence est de porter un coup aux réseaux de résistants, de couper les populations de ses maquisards, et d’empêcher par la terreur qu’elle les soutienne et les aide.
Ainsi à Tulle le 9 juin 1944, la veille de leur arrivée à Oradour-sur-Glane, 99 otages hommes entre 16 et 60 ans sont pendus en représailles aux actes de sabotage des résistants qui se soulèvent galvanisés par l’annonce du débarquement en Normandie.
Dans les jours qui suivent, 149 hommes sont déportés vers le camp de concentration de Dachau en Allemagne où 101 personnes perdront la vie. Le nombre des victimes civiles massacrées s’élève à 213 pour la ville de Tulle ce jour-là.
Oradour-sur-Glane, un village paisible anéanti en quelques heures
Le 10 juin 1944, la colonne arrive à Oradour-sur-Glane, village paisible loin des bruits de guerre. En 1936, la commune d’Oradour compte 1574 habitants dont 330 qui habitent le village même. Ce chiffre augmente dès 1939 avec l’arrivée des Espagnols qui fuient la dictature du général Franco. Ensuite, la même année, viennent des Alsaciens déplacés pour les préserver des combats à l’Est de la France. Ils sont mal accueillis par les villageois et retournent chez eux rapidement. Puis, d’autres réfugiés arrivent ensuite, des Juifs, des Lorrains et d’autres de diverses régions de France.
A Oradour, ce 10 juin, c’est calme. Les habitants ne voient pas souvent des Allemands bien que les troupes allemandes aient envahi la zone libre en France depuis le 11 novembre 1942. Le samedi c’est le jour du marché. A Oradour-sur-Glane, on trouve des cafés, des hôtels, des commerçants, des artisans. Il y a trois écoles et aussi un tramway qui mène à Limoges et dont on peut encore voir les infrastructures dans le village martyr.
En début d’après-midi vers 14 heures, plusieurs centaines de soldats allemands encerclent le bourg et rassemblent la population sous prétexte de contrôler les identités. Ensuite, ils répartissent les hommes en 6 groupes dans des granges. Les femmes et les enfants sont emmenés dans l’église. Des mitraillettes sont installées à l’entrée des granges et de l’église et le carnage commence. En quelques minutes, les villageois sont abattus à la mitraillette. Les tirs sont particulièrement bas pour les empêcher de s’échapper. Les soldats ensuite donnent quelques coups de grâce aux personnes qu’ils voient encore bouger. De la paille et des fagots sont balancés sur des corps morts ou encore en vie, comme ce qu’à vécu Robert Hébras (ci-dessous sur la photo entouré des présidents allemand et français), et ils y mettent le feu. Puis, c’est au tour des femmes et des enfants de subir le même sort dans l’église. D’autres femmes sont précipitées dans un puits mortes ou vivantes, aucune traces de douilles n’ayant été retrouvées à proximité du puits. Ce puits restera leur tombe puisqu’il a été impossible de récupérer les corps.
Six personnes seulement vont survivre à toutes ces exactions commises dans le village.
Vidéo souvenir ⇓
Construction du nouveau village d’Oradour-sur-Glane proche des ruines dès 1944.
Dès juillet 1944, le général De Gaulle décide de reconstruire un nouveau bourg à proximité des ruines. Le plan du village est le même que celui du village martyr. Fin 1944 – L’état s’engage à préserver ce qu’il reste de l’ancien village d’Oradour-sur-Glane.
1953 – 21 soldats jugés
En 1953, 21 soldats sont jugés et condamnés pour leur participation au massacre. Parmi eux, on compte 14 Alsaciens de la région d’Alsace à l’Est de la France, enrôlés de force dans l’armée allemande.
2010 – Six nouveaux suspects identifiés
On pensait que cette histoire était terminée et que les coupables avaient été jugés. Mais en 2010 la justice allemande décide de rouvrir l’enquête grâce à de nouveaux documents provenant de l’ex-RDA – République Démocratique Allemande -. On apprend alors que 5 anciens nazis présumés suspects ont été identifiés. Ils ont tous plus de 85 ans mais il est encore possible de faire un nouveau procès.
Le village martyr aujourd’hui
Depuis ce samedi 10 juin 1944 où 642 civils ont été tués, fusillés et brûlés vifs et le village pillé et incendié rien n’a changé. Les rues et les ruines du village ont été conservées intactes telles qu’elles sont apparues après les incendies et la tuerie.
On y voit encore les restes des commerces, des voitures et des vélos, les rails du tramway. Ces ruines de maisons sans toits sont visitées par 300 000 personnes chaque année mais toujours dans un silence très pesant.
Le village d’Oradour est considéré comme un des hauts lieux de la cruauté nazie. Une tuerie soudaine et atroce qui a surpris tous les habitants et qui reste d’une ampleur inégalée en Europe de l’Ouest à cette période sombre.
Bien sûr, le temps finira bien par détruire ces ruines mais un programme de conservation de quelques ruines essentielles est lancé pour simplement se souvenir. Ces ruines sont classées monuments historiques depuis 1946.
Proche de ces lieux chargés d’une histoire tragique, se trouve le centre de la mémoire créé en 1999 pour fixer cette mémoire afin qu’on n’oublie pas ce qui s’est passé.
Dans les restes de l’église d’Oradour-sur-Glane, Robert Hébras entouré par le président français Hollande (à gauche) et le président allemand Gauck (à droite). Robert Hébras, 88 ans, est un des 3 survivants du massacre. Sa mère et ses soeurs ont péri dans cette église.
4 septembre 2013
Le 4 septembre 2013, pour la première fois, un président allemand s’est rendu sur les lieux de ce massacre. Le président français François Hollande et le président allemand Joachim Gauck, ému, se sont recueillis sur les lieux de ce massacre. Main dans la main, dans l’église où femmes et enfants ont été massacrés ils ont reproduits ainsi le même geste que le président allemand Helmut Kohl et le président français François Mitterrand avaient eu à Verdun en 1984 pour sceller l’amitié franco-allemande.
(1) « les maquisards » = les résistants
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