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Le 14 juillet 1789, le peuple de Paris en colère se fâche, se rend aux Invalides pour prendre des fusils et des baïonnettes puis à la Bastille pour y chercher de la poudre. Il veut du pain, l’abolition des privilèges, l’égalité devant l’impôt, l’accès aux fonctions militaires, civiles et ecclésiastiques pour tous… Il souhaite changer la société et supprimer les injustices mais reste fidèle au roi Louis XVI. C’est le début de la révolte ! Pourquoi une telle rage de changement, pourquoi la révolution ? Pour comprendre, il faut expliquer rapidement la société de cette époque avant le début de la révolution en juillet 1789.
A la veille de la révolution, la France compte 26 millions d’habitants environ.
Le roi, lieutenant de Dieu, au pouvoir absolu
La société de l’ancien régime : une société complexe avec ses propres lois et coutumes
Les 3 grands ordres qui divisent la société française avant la révolution
LE ROI, LIEUTENANT DE DIEU, AU POUVOIR ABSOLU
En 1661, Louis XIV, après la mort de Mazarin son premier ministre, choisit de gouverner seul et décide de mener seul la politique de son pays. C’est un pouvoir autoritaire, une monarchie absolue qui va durer jusqu’en 1789 avec Louis XVI. Il dirige avec l’aide de ministres mais c’est lui qui décide. Le roi a presque tous les pouvoirs. Pourquoi « presque » ?
Louis XVI en costume de sacre peint par Antoine François Callet >>
– Parce que, comme je vais l’expliquer ci-dessous, la société est organisée depuis des siècles en de nombreuses communautés, corporations qui ont leurs propres lois privées et coutumes sur lesquelles le roi ne peut guère intervenir.
– Parce qu’il existe des Parlements -dans chaque région de France- qui ont le droit de faire des « remontrances » au roi, c’est-à-dire des remarques sur les lois qu’ils sont chargés d’appliquer. Le plus important des parlements étant celui de Paris. Celui-ci devient petit à petit le symbole de résistance à la monarchie absolue et pourtant il défend en premier les intérêts de la noblesse et du clergé -les membres du parlement au bout d’un certain temps finissent même par être anoblis par le roi-.
– Parce que, lors de crises financières ou politiques qui nécessitent de lever des fonds ou d’augmenter les impôts, il est bon pour le roi de s’assurer l’appui des 3 ordres qui divisent le pays : le Clergé, la Noblesse et le Tiers-État. Les représentants de ces trois ordres viennent de toutes les régions de France. Ces assemblées exceptionnelles convoquées selon le bon vouloir du roi sont appelées les « États généraux« . Ils ont été créés en 1302 sous le règne de Philippe le Bel et ont été convoqués souvent en temps de guerre dans les siècles passés. En 1484 sont créés les « Cahiers de doléances » qui permettent aux Français d’exprimer leurs soucis, leurs plaintes (doléances) et les vœux qui pourraient améliorer la situation du royaume.
En mai 1789, deux mois avant le début de la révolution, Louis XVI convoque les États généraux. Les représentants des 3 ordres de toutes les provinces de France ramènent 50 000 cahiers de doléances avec beaucoup de témoignages de fidélité au roi mais aussi beaucoup de plaintes et de revendications. La dernière assemblée des 3 ordres s’était produite en 1614 soit 175 ans auparavant !
Mais le roi n’a de compte à rendre à personne sauf à Dieu. C’est un pouvoir absolu de droit divin. Il peut emprisonner toute personne qui ne lui convient pas sans avoir à se justifier.
Une monarchie absolue signifie que les 3 pouvoirs sont dans les mains du roi :
– le pouvoir législatif (celui de créer des lois)
– le pouvoir exécutif (celui de faire appliquer une loi)
– le pouvoir judiciaire (le droit de rendre la justice, c’est-à-dire de juger et de rendre son verdict)
Les revenus de l’Etat
– Les impôts royaux s’ajoutent aux impôts dus au Clergé et à la Noblesse et le peuple -le tiers-état- est asphyxié par les impôts. Je vous propose de lire le détail des différents impôts royaux, seigneuriaux et du clergé ici. Parmi les impôts royaux, il y a la « gabelle », l’impôt sur le sel qui permet de conserver les aliments et il y a la « taille » impôt direct payé par le peuple seulement, le Clergé et la Noblesse ne le paient pas. C’est l’impôt le plus lourd. Pour donner une idée, sur un revenu de 100 livres, l’état en prend 53 et certaines fois cet impôt peut être augmenté selon la folie dépensière de l’état.
La société de l’ancien régime : une société complexe avec ses propres lois et coutumes
LA SOCIÉTÉ DE L’ANCIEN REGIME EST UNE SOCIÉTÉ COMPLEXE FORMÉE DE CORPORATIONS, DE COMMUNAUTÉS, DE COMPAGNIES…
Le roi n’a pas vraiment tous les pouvoirs parce qu’il existe de multiples privilèges, règles, coutumes et lois privées propres à de nombreuses communautés, compagnies ou corporations de la société française. Et ces communautés sont innombrables ! Quelques exemples :
– les municipalités des villes
– les communautés d’habitants de villages ou de paroisses
– les communautés de marchands
– les communautés d’arts et de métiers
– les corps d’officiers royaux
– les corps relatifs à la justice (avocats, notaires, procureurs…)
– les compagnies de commerce et de finance
– les corps de médecins, apothicaires (1)
– les communautés religieuses…
Ces nombreux corps possèdent leurs propres droits, libertés et privilèges.
Ces groupes représentent différentes classes sociales qui bénéficient de revenus très différents. En plus, à ces différences, il faut ajouter les mentalités méprisantes des uns vis à vis des autres en fonction du degré de naissance ou de l’appartenance à telle ou telle communauté. Ainsi, la noblesse de cour méprise la noblesse de province, les nouveaux anoblis, les grands bourgeois… Les grands bourgeois (haute finance, banque) méprisent les petits bourgeois (commerçants) qui méprisent le petit peuple salarié qui lui-même jalouse les artisans, boutiquiers… C’est une chaîne sans fin ! (2)
LES 3 GRANDS ORDRES QUI DIVISENT LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE AVANT LA REVOLUTION : LE CLERGÉ, LA NOBLESSE ET LE TIERS-ÉTAT
Cette société de l’ancien régime est une société divisée en 3 corps qui ne sont pas égalitaires. Il s’agit du Clergé, de la Noblesse et du Tiers-État. Le Clergé et la Noblesse ne paient pas d’impôts ou presque pas mais accablent le reste de la population, soit plus de 95 %, avec toutes sortes d’impôts comme la dîme, la taille ou la gabelle.
Adalbéron de Laon (dit Ascelin) est l’auteur du « Poème au roi Robert » écrit entre 1027 et 1030 dans lequel il propose une théorie sur la société qui serait divisée en trois ordres correspondant aux fonctions de chacun. Ainsi, les « oratores » seraient ceux qui prient comme les moines, les prêtres. Les « pugnatores » ou « bellatores » seraient ceux qui combattent -à peine 1 ou 2% de la population-. Et les « laboratores » seraient tous les autres qui travaillent paysans et artisans.
LE CLERGÉ
Le clergé compte environ 120 000 personnes dont 3000 nobles
Le clergé ne paie pas d’impôts au roi mais fait des dons à l’état.
« Clergé » c’est un terme qui désigne les différentes institutions religieuses chrétiennes du pays. Il est composé :
– du haut-clergé qui regroupe les archevêques, les cardinaux, les évêques, les abbés. Ces religieux sont choisis par le roi parmi la noblesse ou la grande bourgeoisie. On reproche au haut-clergé de mener grand train, de vivre avec faste.
– du bas-clergé qui regroupe les curés, les vicaires, et les prêtres issus du peuple. Les revenus distribués au bas-clergé par le haut- clergé sont très inégaux et beaucoup sont misérables.
Le clergé, c’est l’ordre le plus riche des 3 ordres.
Ses revenus :
– Le clergé possède environ 6% du territoire français ce qui lui apporte des revenus conséquents.
– Il prélève un impôt appelé « la dîme » qui oblige les paysans à donner un dixième de leurs récoltes et dans certaines régions quelques fois plus.
– Il accepte les dons des fidèles.
– Il reçoit l’argent des quêtes pendant les offices.
Sa fonction est :
– De veiller au respect des règles religieuses. La religion catholique est celle de l’état et du roi. La vie des Français est encadrée par la religion de la naissance à la mort. C’est l’armature sociale. Chaque corps de métier à un Saint Patron protecteur.
– De lutter contre les hérétiques en demandant l’aide du roi certaines fois.
– De condamner les livres jugés contraires à la foi religieuse.
– De tenir les registres d’état civil c’est-à-dire d’inscrire les naissances, les décès, les mariages…
– D’assurer l’enseignement de la petite école à l’université.
– D’assister les malades et les pauvres dans les hôpitaux et les hospices.
LA NOBLESSE
La noblesse compte environ 80 000 familles soit 400 000 personnes
À Versailles au 17ème siècle, sous le règne de Louis XIV – le Roi Soleil – on comptait jusqu’à 10 000 courtisans.
Leurs titres : Prince ou Princesse de sang royal / Duc ou Duchesse / Marquis ou Marquise / Comte ou Comtesse / Vicomte ou Vicomtesse / Baron ou Baronne / Chevalier / Ecuyer
La noblesse ne paie pas d’impôts au roi ou très peu.
Pour être reconnu comme noble il faut :
. soit être né(e) de père noble et dans ce cas apporter la preuve de sa noblesse. Le XVIe siècle est beaucoup moins exigeant sur les preuves à apporter que le XVIIIe siècle qui demande 3 ou 4 quartiers de noblesse. C’est sans doute aussi ce qui a isolé progressivement cet ordre très protégé.
. soit, si l’on n’est pas noble de naissance, être anobli par le roi.
Dans les deux cas, ce sont les familles en fait qui sont nobles ou anoblies et non les individus seuls.
Ce n’est pas une classe homogène. On distingue plusieurs catégories de nobles
Il y a la grande noblesse (environ 4000 familles) ou la noblesse de cour qui vit à la cour auprès du roi. Depuis le roi Louis XIV à Versailles, la grande noblesse a été « domestiquée ». Elle vit auprès du roi qui la neutralise en lui procurant des fêtes, des jeux, de l’oisiveté et de temps en temps des obligations militaires. Elle a les postes les plus honorifiques, les plus hautes charges (évêque, officiers supérieurs, ministres…) à fortes rémunérations, et touche aussi de fortes pensions. Elle mène un train de vie fastueux avec un nombre important de domestiques, vit dans le luxe et fait des dépenses excessives dans les multiples fêtes, représentations théâtrales, chasses organisées dans les châteaux qui les ruinent bien souvent. Bien qu’elle méprise la haute bourgeoisie, cette grande noblesse trouve de grands avantages financiers à faire alliance (mariages) avec ces riches roturiers qui en retour reçoivent un titre de noblesse. Au XVIIIe siècle, la noblesse de robe -les bourgeois anoblis- cohabitent à la cour avec la noblesse d’épée -la plus respectée et la plus fière de ses origines qui remontent au Moyen-Âge.
Il y a la moyenne noblesse qui est une noblesse aisée avec suffisamment d’argent pour résider sur ses terres une partie de l’année mais qui bien souvent possède aussi des hôtels particuliers en ville. Beaucoup de ces nobles mènent une vie mondaine qui ressemble à la vie de la cour. Participent à ces fêtes luxueuses les membres des Parlements – les plus riches de la noblesse provinciale -, les officiers, les hauts fonctionnaires… D’autres nobles aisés préfèrent rester dans leur domaine et s’adonner au plaisir de la chasse.
Il y a la noblesse pauvre qui est plus nombreuse que la moyenne noblesse. Elle vit sur ses terres en province dans des manoirs en ruine quelques fois aussi pauvres que leurs métayers. Ils attendent beaucoup de la générosité du roi et se considèrent supérieurs au monde paysan malgré leur pauvreté.
A l’origine de la noblesse vers le Xe siècle, être noble c’est vivre de ses revenus, c’est servir son roi le plus loyalement possible et servir la paix, la justice et aider à une bonne gouvernance de l’état. Leurs activités et leur conduite doivent être loyales et désintéressées. Il leur est interdit d’exercer une activité utile ou de faire du profit. Les nobles ne fabriquent pas de produits contrairement aux bourgeois et ne font pas de profits.
A l’origine, les nobles étaient dispensés de la plupart des impôts parce qu’ils étaient les seuls à payer l’impôt du sang c’est-à-dire qu’ils étaient les seuls à servir au rang d’officiers et devaient combattre en temps de guerres. Les simples soldats, eux, recevaient une solde. C’était un service rendu à la France, le prix du sang versé. Mais son utilité s’amenuise au fil du temps surtout au XVIIIe siècle qui est un siècle où les guerres diminuent. Beaucoup de gens de la grande noblesse deviennent oisifs devenant une charge pour le peuple et ne donnant aucune contrepartie.
Au XVIIIe siècle, les idées d’égalité se répandent grâce aux philosophes des Lumières (Voltaire, Rousseau, Diderot…). Le peuple est de plus en plus excédé. Il considére ces nobles comme des parasites et leur reproche leur oisiveté.
Les privilèges
– Ils ont des avantages fiscaux c’est-à-dire qu’ils ne paient pas l’impôt (la taille) que tous les roturiers paient.
– Ils ont des impôts directs sur la fortune très allégés.
– Les impôts indirects sur les biens de consommation sont atténués aussi.
– Ils peuvent porter l’épée et avoir des armoiries
– Ils ont des tribunaux spéciaux
– Certains grades d’officiers supérieurs leur sont réservés
– Les hautes fonctions ecclésiastiques sont pour les nobles
Les revenus
– Les droits seigneuriaux – beaucoup de nobles sont des seigneurs possédant un château et des terres. Ils prélèvent : le champart, les banalités, le cens…auprès des paysans et aussi leur imposent des « corvées » comme l’entretien des routes et du château.
La fonction initiale de la noblesse est :
– de se battre, de verser son sang pour la France et être au service du roi.
LE TIERS-ÉTAT
L’ Abbé Sieyès, prêtre et homme politique constatait en 1789 (3) :
Qu’est-ce que le Tiers état? — Tout.
Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique? – Rien.
Que demande-t-il? — À être quelque chose.
Le Tiers-État représente 98% de la population française.
20% à la ville et 80% à la campagne
Ceux qui ne sont pas nobles ni membres du clergé appartiennent à ce troisième ordre représenté lors des assemblées exceptionnelles « les États généraux » (voir explication plus haut dans l’article « le roi « lieutenant de Dieu »). Ils sont appelés les « roturiers ». Toutes les autres activités de la société française se retrouvent dans cet ordre qui est le plus nombreux et qui est extrêmement varié.
On y trouve :
– Des bourgeois souvent riches et cultivés comme des magistrats, des industriels, des banquiers, des négociants, des entrepreneurs, des commerçants, des artisans indépendants, des médecins, des officiers… C’est une classe sociale qui s’est beaucoup développée depuis le 16e siècle. Certains bourgeois sont très riches et sont évidemment tenté par le pouvoir mais ils ragent de ne pouvoir accéder aux plus hautes charges de l’État réservées à la haute noblesse. Au XVIIIe siècle, les choses changent un peu. Malgré le mépris de la noblesse pour la bourgeoisie, des mariages sont arrangés entre « roturiers » et gens de la noblesse. L’argent du négoce ou de la finance contre un titre de noblesse pour la famille.
Cette classe bourgeoise est très impliquée dans la vie de la société et ouverte aux idées nouvelles. Malheureusement, c’est elle aussi qui s’enrichit par la traite des Noirs – l’esclavage -.
– Le peuple des villes, des artisans, des boutiquiers, des employés, des blanchisseuses, des palefreniers…un petit peuple qui souffre du froid et de la faim en hiver 1788-1789. Les récoltes de l’année n’ont pas été bonnes, les prix ont monté et les salaires ont baissé.
– Des paysans qui représentent près de 20 millions de personnes alors que la population est estimée à environ 25 millions de Français. Parmi les paysans on trouve différentes catégories plus ou moins pauvres comme des ouvriers agricoles, des métayers, des tenanciers de domaines seigneuriaux, des grands fermiers, des journaliers… Dans l’ensemble, les conditions de vie sont très dures pour beaucoup d’entre eux. L’habitat est souvent misérable et les paysans peu instruits vivent dans une précarité économique constante car dépendante de bonnes ou mauvaises récoltes. Ils doivent, en plus de tous les autres impôts, donner une partie des récoltes pour payer la dîme au Clergé et une autre partie pour payer le champart au Seigneur qui détient les terres.
– Des pauvres qui n’ont pas de domicile, pas de profession ou sont en situation précaire comme les domestiques qui sont payés à la journée. Ce sont des enfants abandonnés, des femmes perdues, des vieillards, des infirmes qui deviennent des vagabonds, des mendiants, des voleurs en bandes quelquefois. Ils sont enfermés dans des hôpitaux généraux « Les hôpitaux sont la honte et le supplice des pauvres » écrit Saint Simon en 1720. A Paris, en 1790, sur une population de 600 000 habitants, on compte environ 200 000 parisiens en situation précaire, 20 000 qui vivent au jour le jour sans savoir ce qu’ils vont manger et où ils vont dormir.
(1) « apothicaire » : ancien mot pour « pharmacien »
(2) « Oeuvres complètes » de Charles Fourier (1841) Gratuit sur Google – à lire ici
(3) « Qu’est-ce que le Tiers-état ? » de l’Abbé Sieyès (1789) Gratuit
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